Valoriser ses excédents d’herbe «à côté» d’un troupeau laitier

Les éleveurs se posent régulièrement la question du choix de l’atelier à mettre en place à côté de leur troupeau laitier lorsqu’ils ont beaucoup de prairies permanentes. Quelles sont donc les possibilités les plus rentables pour valoriser ses excédents d’herbe après s’être constitué une sécurité fourragère nécessaire dans le contexte climatique actuel ?

Régulièrement, les conseillers des Chambres d’agricultures et de l’Institut de l’Élevage, chargés du suivi des Réseaux d’Élevage INOSYS, proposent une actualisation de la hiérarchie des ateliers valorisant les prairies. Ces résultats évoluent, bien sûr, en fonction de la conjoncture. Ainsi, plutôt que de prendre les prix actuels qui ne correspondent qu’au moment présent, il a été retenu une conjoncture moyenne utilisée actuellement dans les études d’installation qui permet de lisser des situations extrêmes, et de mieux juger la rentabilité d’une production sur le moyen terme.

Le lait demeure une valeur sûre

Sur le plan économique, le lait à un prix de 450 €/1.000 litres, même s’il procure le plus de travail, et engendre beaucoup d’investissement, reste l’atelier le plus rentable pour valoriser des excédents d’herbe. Concrètement, une hausse du contrat de la laiterie (dans le cadre d’une installation, par exemple) sera économiquement plus rentable que la mise en place d’un autre atelier. Mais attention, l’augmentation des livraisons de lait doit s’analyser au cas par cas en fonction des disponibilités en bâtiment et en main-d’œuvre. L’élevage de toutes ses génisses laitières (au-delà du renouvellement), dont une partie destinée à la vente, devient une opération moins rentable que par le passé, car le marché de la génisse pleine n’est pas porteur, et surtout parce que les autres productions ont bénéficié de l’augmentation des cours du prix de la viande.

Les brebis en système agneaux d’herbe s’en sortent bien

Avec un plus faible capital engagé que les vaches allaitantes et des besoins en bâtiment restreints, les brebis en système agneaux d’herbe (19 kg de carcasse à 8,50 €/kg) permettent de valoriser les excédents d’herbe avec une bonne rentabilité économique. Mais, l’élevage du mouton représente un métier à part entière qui demande une bonne maîtrise technique ainsi que de la disponibilité en main-d’œuvre. Sa mise en place est difficile dans les exploitations laitières où la main-d’œuvre est déjà limitée.
Mais cela peut être une solution intéressante dans les exploitations sociétaires avec de la main-d’œuvre disponible où l’un des membres souhaiterait s’investir dans cette production. La complémentarité des ateliers peut permettre de développer un atelier ovin avec une conduite très économe des brebis (pâturage hivernal).
Par exemple, dans une exploitation laitière, si on remplace une trentaine de bœufs Ph vendus à 36 mois qui valorisent une quarantaine d’hectares de prairies permanentes par 330 brebis en système agneaux d’herbe, on va améliorer l’excédent brut de l’exploitation de 13.500 €, soit environ 40 €/brebis.

Le bœuf laitier reste toujours rentable

Avec l’instauration des aides bovines supérieures à l’UGB, les bœufs laitiers gardent un intérêt économique. Ils dégagent même un EBE légèrement supérieur à celui des vaches allaitantes. Le bœuf reste également complémentaire du lait, en raison d’une charge de travail moindre, et des animaux plus faciles à loger avec les génisses du troupeau laitier. À noter, aussi qu’avec des prix de concentrés élevés, il est aussi intéressant de conduire les bœufs Prim’Holstein à 36 mois, même si on en vend moins, qu’à 30 mois, car ces derniers consomment davantage de concentrés qui coûtent chers. De plus, les bœufs tardifs, commercialisés de juillet à novembre, bénéficient, en général, d’un prix de vente plus élevé (de 365 kg à 4,20 €/kg) que les bœufs précoces (de 370 kg à 4,10 €/kg) vendus en fin d’hiver en même temps que les taurillons. Mais le niveau de revenu étant sensiblement identique, la conduite des mâles se calera sur celles des génisses de renouvellement.
Cependant, la mise en place d’un troupeau allaitant à côté d’un troupeau laitier trouve un intérêt dans les exploitations où il y a beaucoup de prairies permanente afin d’éviter l’achat de veaux de 8 jours avec les risques sanitaires que cela représente. La présence de vaches allaitantes se justifie également dans les grosses exploitations sociétaires où il y a suffisamment de bâtiment pour engraisser les mâles des deux troupeaux en taurillons.
L’achat de broutardes pour produire des génisses de race à viande se situe légèrement en dessous des vaches allaitantes. Cela reste une production très spéculative qui dépend du prix d’achat de la broutarde, et du prix de vente des animaux viande. De plus, il faut être prudent lors d’achats d’animaux à l’extérieur avec les risques sanitaires qui les accompagnent. L’achat de broutards pour produire des bœufs de race à viande devient économiquement plus intéressant que les génisses de race à viande grâce aux aides bovines supérieures à l’Ugb. Cette production pourrait s’avérer économiquement encore plus rentable dans le cadre de circuits courts.

La vente de foin est tentante… mais risquée

La vente de foin bottelé à 85 €/t brut est économiquement moins intéressante que les années antérieures, à cause de l’augmentation des cours de la viande. Mais avec une charge de travail moins importante, certains éleveurs peuvent être tentés de vendre du foin. Toutefois, cette démarche reste aléatoire. En effet, durant les années avec des conditions climatiques normales, l’offre est nettement supérieure à la demande.
Pour répondre à certaines interrogations, un petit exercice permet de savoir à partir de quel tarif la vente de foin devient plus intéressante qu’une production animale. À plus de 100 et 107 €/t, cela devient respectivement plus intéressant que la production de génisses de race à viande et de vaches allaitantes. Lorsque le foin est vendu à plus de 108, 129 et 130 €/t, les bœufs de race à viande, les bœufs PH 36 mois et les bœufs PH 30 mois ne sont respectivement plus intéressants économiquement. Enfin, pour les moutons, il faut vendre le foin à plus de 190 €/t pour que cet atelier ne devienne plus rentable. Mais attention, ces calculs restent très théoriques car ces arrêts d’atelier engendreraient des surfaces de fauche très importantes et dans des pâtures où il n’est pas toujours facile d’accéder avec du matériel. Finalement, en zone herbagère, l’élevage a encore de beaux jours devant lui.
Une sous-valorisation des prairies permanentes, situation fréquente dans la région, pénalise le revenu de l’exploitation. Au-delà de la hiérarchie économique présentée dans cet article, il faut raisonner son atelier viande en complément du lait en prenant en compte les besoins de la filière, les disponibilités en bâtiment, en main-d’œuvre et bien sûr ses goûts personnels. Mais ces choix ne sont pas neutres car ils engagent à plus ou moins long terme l’avenir de la structure.

Pour l’équipe INOSYS
Réseaux d’élevage
Rémi GEORGEL – CDA 88
Lisa MILAN BALIZEAUX – CDA 55
Jean-Marc ZSITKO – CDA 54
Anaïs KAUMANNS – CDA 57
Mathilde JOUFFROY – IDÉLE