Répondre à l’urgence face aux dégâts

Face à des pertes de 4 millions d’euros et 3.000 hectares endommagés, le préfet de la Meuse a instauré des battues administratives pour permettre aux chasseurs de poursuivre les prélèvements une fois leur quota atteint. Cette décision, saluée par les agriculteurs, répond à l’urgence de maîtriser les populations de sangliers et de cervidés. Toutefois, tous attendent maintenant la révision du schéma cynégétique, qui ne pourra se faire qu’après les élections à la Fédération de chasse.

3.000 hectares endommagés, 4 millions d’euros de pertes. Les chiffres parlent d’eux-mêmes et les dommages continuent de croître au fil des mois, des années… La Meuse est aujourd’hui le département français le plus touché par les dégâts causés par le gibier. Cette situation, devenue intolérable, est directement liée à des populations de sangliers et de cervidés trop élevées dans certains secteurs.
«Quand il y a une forte pression du gibier, il est impossible de cultiver ce que l’on souhaite, il faut faire attention. Les cervidés causent des dommages dans les colzas et les tournesols. Quant aux sangliers, ils détruisent les cultures, depuis le semis jusqu’à la veille de la récolte» estime Daniel Dellenbach, agriculteur à Longeville-en-Barrois, qui subit lui-même ces dégâts, bien que la forêt située à seulement 150 mètres de ses champs «soit bien chassée».
À un autre niveau, le milieu forestier est également impacté et la régénération des forêts devient de plus en plus difficile et menace la viabilité économique des propriétaires.

«Libérer la chasse»

Le schéma cynégétique, chargé d’encadrer la gestion de la faune pour les six prochaines années, est actuellement en révision. Mais la situation est problématique. «Alors que nous sommes en pleine refonte du schéma cynégétique, la fédération de chasse est inexistante», déplore Xavier Arnould, président de la FDSEA. Et pourtant, ce document doit être rédigé par le président de la fédération des chasseurs, en concertation avec plusieurs acteurs : les forestiers privés, l’ONF et l’OFB, les lieutenants de louveterie, ainsi que les associations de protection animale et les représentants du monde agricole.
Le dernier schéma ayant expiré fin mai, une prorogation de six mois a été accordée, mais elle n’a pas permis de trouver de solutions. Depuis la fin novembre, c’est donc le préfet qui fixe les règles en attendant la mise en place d’un nouveau plan. «J’ai un leitmotiv : libérer la chasse et donner aux chasseurs les moyens de chasser» souligne Xavier Delarue, préfet de la Meuse, conscient des enjeux.

Des battues administratives

Les mesures qu’il a prises visent trois aspects : la sécurité de la chasse, la simplification des règles de tir des cervidés, et un agrainage encadré et conditionné. Le dernier arrêté en date est la mise en place du régime de battue administrative. Cette mesure permet aux petites sociétés de chasse ayant atteint 100 % de leur quota avant la fin de la saison d’organiser gratuitement des battues supplémentaires. «Il est possible d’organiser des battues sans apposition de bracelet payant afin de poursuivre les prélèvements lorsque la situation le justifie» explique le préfet. Concrètement, une demande doit être envoyée à la DDT, qui, si la situation le permet, autorise les battues dès le lendemain. «Cette mesure, valable pour les sangliers mais aussi des cervidés, ne sera pas comptabilisée dans le quota de l’année prochaine» insiste-t-il.
Cette initiative a rapidement séduit une dizaine d’associations de chasse dès son premier week-end d’application. «Les chasses concernées doivent impérativement informer la DDT de la Meuse par mail pour que le dispositif soit mis en place», insiste Xavier Arnould, qui salue cet arrêté permettant aux traqueurs de poursuivre le prélèvement du sanglier sans contrainte. «C’est une bonne solution. C’est aux chasseurs maintenant de saisir cette opportunité» complète Daniel Dellenbach.
Pour maîtriser la population de gibiers, d’autres mesures peuvent également être appuyées. Alain Gillot, chef de l’unité forêt, chasse, biodiversité à la direction départementale des territoires, explique : «Il faut tirer plus de sangliers pour mettre un coup d’arrêt aux dégâts et repartir sur des bases saines. Le sanglier profite du changement climatique ; désormais, une laie peut faire trois portées tous les deux ans. Et les populations grossissent rapidement». Il incite la chasse à l’affût, peu pratiquée dans la région, pour augmenter les prélèvements.

Vers un nouveau schéma après les élections

Si la décision de battue administrative représente déjà une avancée concrète pour le département, en permettant la continuité d’activité pour les territoires concernés, une réduction immédiate des dépenses pour les chasseurs et le maintien d’une dynamique cynégétique essentielle pour le département, cette réglementation demeure cependant temporaire. Tous les acteurs attendent désormais un nouveau schéma cynégétique, qui ne pourra être mis en place qu’après les élections au sein de la fédération de chasse. À ce jour, une liste s’est déjà déclarée pour ces élections.
Lors de la reprise des discussions, plusieurs sujets viendront alimenter les débats, dont notamment l’idée de mettre fin aux paiements mutualisés des lots. L’une des propositions serait que les chasses adjacentes assument désormais le coût des dégâts causés par le gibier sur leurs territoires. Cette évolution pourrait bouleverser les mécanismes actuels de financement et de solidarité entre les différentes zones de chasse.
Xavier Delarue sera particulièrement attentif aux prochaines élections. «Je vais suivre de très près ces élections, pour que la Fédération de chasse soit légitime. Il faut remettre en place un fonctionnement normal et serein de la chasse», déclare-t-il. Il précise évidemment que ni les salariés ni les chasseurs ne sont visés. «C’est la gouvernance actuelle qui ne va pas», affirme-t-il, soulignant la nécessité d’un changement au niveau de la direction.