Produire des jeunes bovins à partir de broutards en 2023-2024

L’année 2023 a permis de reconstituer les stocks fourragers. Les cours des intrants sont toujours hauts, même si en deçà de 2022, ce qui maintient les coûts de production à un niveau relativement élevé. En raison du manque de production de viande bovine, les cours des JB sont restés au plus haut, jusqu’à un fléchissement ces derniers mois. Dans ce contexte, quelle ration d’engraissement des jeunes bovins, pour quel coût ?

Les récoltes d’herbe et de luzerne ont été globalement bonnes grâce à une pluviométrie favorable sur la saison, et malgré le coup de sécheresse de juin à début juillet. Les maïs ont montré une forte hétérogénéité de rendements suivant les dates et les conditions de semis, ainsi qu’en cas d’implantation derrière des dérobées. Manquant d’eau dans leur période végétative, ils ont pu bénéficier des épisodes pluvieux de mi-juillet pour la formation et le remplissage des grains. Globalement, les rendements sont moyens (10 à 15 t Ms/ha, non irrigués), mais la qualité est au rendez-vous.

Les disponibilités en pulpes de betteraves s’annoncent toujours limitées, dans un contexte de concurrence sur la ressource, et leur prix augmente significativement. Les cours des céréales sont redescendus après leur envolée historique en 2022, mais ils restent à des niveaux élevés, tout comme celui des correcteurs azotés. Même si les marchés ont fléchi, cet été, pour les jeunes bovins, et sont plus incertains pour les broutards, les cours de la viande et du maigre restent hauts.

Coût alimentaire en baisse

Les rations présentées dans le tableau 1 correspondent aux besoins d’un taurillon Charolais pour passer du poids de 320 kg vifs à 720 kg vifs (soit 420 kgc avec un rendement 58 %). Les croissances visées (en moyenne sur la durée de l’engraissement) doivent se situer autour de 1.400 g/j pour une ration à base d’ensilage de maïs, 1.500 g/j pour une ration maïs + 3,5 kg de céréales ou maïs-pulpes, et 1.600 g/j pour des rations à base de céréales. Pour atteindre un même objectif de poids à la vente (420 kgc en moyenne), la durée d’engraissement sera donc d’autant plus courte que la ration choisie permettra une croissance élevée. Néanmoins, les rations permettant les meilleures croissances peuvent être onéreuses, et le coût total sur la durée d’engraissement doit être calculé.

Certaines rations sont plus délicates à conduire que d’autres, et les objectifs de croissance peuvent être alors difficiles à atteindre. Attention à bien gérer la période de transition alimentaire qui doit être progressive. Sur la base des hypothèses retenues, et essentiellement en raison de l’évolution des cours des céréales et concentrés, les coûts alimentaires des rations sont en baisse par rapport à la même période en 2022 : de plus de 20 % pour les rations maïs et céréales, de 3 à 13 % pour les rations avec pulpes (sous l’effet des concentrés).

Contexte favorable

Le coût alimentaire sur la durée totale de l’engraissement varie donc entre 444 et 595 € par taurillon produit, selon les rations. Au coût alimentaire s’ajoutent des frais vétérinaires, des frais divers d’élevage, des frais d’eau, électricité, entretien, assurances, des frais de distribution-paillage et des frais financiers. L’ensemble de ces frais constituent les coûts opérationnels. Pour approcher l’intérêt économique, le schéma s’appuie sur un exemple : si la valeur du broutard de 320 kg mis en engraissement est de 3,59 €/kg vif (achat à 1.150 € pièce) et en intégrant 2 % de pertes, l’engraissement couvre les charges engagées avec un cours du taurillon à 4,40 €/kg de carcasse. Mais la main-d’œuvre n’est pas rémunérée, et les annuités éventuelles du bâtiment n’ont pas encore été prises en compte dans le calcul.

Dans tous les cas, la rentabilité de l’engraissement passe par une bonne maîtrise technique et un suivi pointu des animaux. Il faut réagir rapidement à toute baisse de consommation ou ralentissement de croissance. Si on se fixe un objectif de marge minimale de 180 €/Jb pour rémunérer le travail et rembourser les annuités correspondant au bâtiment, le cours du Jb à la vente devra se situer à 4,83 €/kg de carcasse sur la base d’un broutard mis en place à 1.150 € (tableau 2), et d’un coût de ration de 520 €. L’investissement en bâtiment peut être calculé sur la base de 1.400 € empruntés par place à 2 % d’intérêt sur quinze ans, soit une annuité de 108 € par place ou 0,20 € par kg de carcasse chez un engraisseur spécialisé. Mais il faut aussi tenir compte que, suivant les types de rations, les niveaux d’investissements complémentaires peuvent être différents (silos, cellules de stockage, matériels de distribution…).

Au final, pour 2023-2024, les prix des JB vont sans doute plafonner, mais les coûts alimentaires ont baissé par rapport à l’année dernière. Par ailleurs, le contexte sanitaire lié à l’apparition de la maladie hémorragique épizootique pourrait peser sur les cours des broutards. Sous réserve d’un maintien des cours du Jb, le contexte pourrait donc être encore favorable à l’engraissement, cette année. L’objectif de 180 € de marge est atteint avec les cours actuels, ce qui permet de payer à la fois l’investissement du bâtiment et la main-d’œuvre, ce qui n’a pas toujours été le cas les années passées. Enfin, la Pac fait évoluer les aides animales. Le remplacement des ABA par des aides à l’Ugb de plus de 16 mois rend éligibles les bovins mâles à l’engraissement, sous réserve de ne pas dépasser certains plafonds d’Ugb primables. Cette aide animale pourrait atteindre au maximum 2.400 € chez un engraisseur spécialisé sans vache et 110 €/Ugb chez un naisseur-engraisseur avec vaches (un jeune bovin vendu à plus de 16 mois = 0,6 UGB). C’est un élément à intégrer dans la stratégie de conduite et de calcul de marge.

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