La luzerne constitue un des pivots des rotations en agriculture biologique dans notre région. Depuis 2012, les Chambres d’agriculture de Lorraine étudient l’impact de la fertilisation et des différents modes d’exploitation (restitution, exportation, exportation partielle) sur la productivité de la légumineuse.
Le fourrage généré par la luzerne est souvent valorisé sur l’exploitation ou vendu à un éleveur, néanmoins se pose parfois la question d’une restitution partielle (une coupe exportée et le reste restitué), voire une restitution totale pour enrichir le sol en matière organique et limiter les exportations de certains éléments minéraux dont la luzerne est assez exigeante. Entre 2018 et 2022, quatre essais (dont un pluriannuel) ont été menés.
Quelle que soit la durée d’exploitation de la luzerne, aucune différence significative sur le rendement n’a été mise en évidence entre les modalités. Il ressort une légère tendance en faveur de la luzerne exportée. Cela peut s’expliquer par des quantités de matière sèche rendues au sol, parfois assez conséquentes en cas de restitution, pouvant pénaliser la repousse. Dans cette situation, il est donc conseillé de broyer ou faucher la luzerne avant d’atteindre 2 Tms/ha.
Une fertilisation bien valorisée
La luzerne fixe l’azote de l’air et ne nécessite donc pas d’apport d’azote, néanmoins c’est une culture exigeante en éléments fertilisants, en particulier, potasse, soufre, magnésium, voire phosphore. Depuis 2012, plusieurs essais ont évalué l’impact de différents fertilisants sur le rendement de la luzerne : PatentKali, Kieserite, Gypse, Polysulfate et compost. Quel que soit le fertilisant, on observe systématiquement un effet sur le rendement de la luzerne (de l’ordre d’1 à 2 Tms/ha supplémentaire, mais non significatif). La modalité Patentkali 150 kg/ha (28 % de K2O, 8 % de MgO, 40 % de SO3) ressort en moyenne mieux que les autres modalités. Les autres fertilisants obtiennent des résultats intermédiaires.
En considérant une luzerne vendue sur pied à 60 €/Tms/ha et un coût du PatentKali de 800 €/t, soit 120 €/ha. Si l’on considère uniquement la production de fourrage, les gains de rendement procurés par les fertilisants sont économiquement rentables au-delà de 2 Tms/ha supplémentaires. Fertiliser la luzerne peut aussi avoir un impact sur sa longévité et peut procurer des gains pour la culture suivante.
Impact sur les cultures suivantes
L’évaluation de l’impact de la fertilisation et des modes d’exploitation de la luzerne s’est poursuivie dans les cultures suivantes. En l’occurrence, une avoine la première année (n+1) et un blé la deuxième année (n+2). Il ressort de cette étude qu’il existe un lien entre la productivité de la luzerne et le rendement de l’avoine suivante (trois sites). Les modalités de luzerne fertilisées (avec compost, Patentkali, Kieserite) permettent en effet d’obtenir les meilleurs rendements à la fois en fourrages et en avoine. La marge brute globale se trouve également améliorée pour ces modalités fertilisées.
Un seul essai a été mené sur le blé en n+2. Les rendements vont de 43 à 51 q/ha pour des taux de protéines s’étalant de 10,8 à 11,2 %, permettant une valorisation meunière. La modalité qui n’a pas exporté de luzerne pendant trois ans est la seule à présenter un rendement significativement plus faible. La biomasse parfois conséquente laissée au sol a dégradé cette modalité dès la première année d’exploitation de la luzerne, et a donc limité l’enracinement et la productivité de la fourragère, pouvant expliquer des arrières effets moindres sur le blé.
Clément MUNIER – CRAGE