Des veaux pour faire face

Manuel Rousselot, de l’EARL de Toutes les Couleurs à Gercourt, a ouvert sa ferme début novembre dans le cadre du mois de la bio. Il est revenu sur son parcours et son système d’élevage en vente directe ou à destination de la restauration hors domicile via UNEBIO.

Il avait vu les choses en grand lors de son installation. Mais Manuel Rousselot a dû s’adapter et revoir ses projets. Le jeune agriculteur s’est installé il y a trois ans, en tant que hors cadre familiale, sur l’EARL de Toutes les Couleurs à Gercourt. Son cédant, Pascal Demaux, était un pionnier dans l’agriculture bio et possédait deux ateliers distincts : l’un en bovin et l’autre en porcin en système naisseur-engraisseur. «J’avais un grand projet d’extension de l’atelier porc, mais les marchés se sont écroulés. Désormais, je n’ai plus qu’une soixantaine de charcutiers de tous les stades» explique Manuel Rousselot.
«Il y a eu un engorgement au niveau de la production avec des consommations qui n’étaient pas là. Le marché du bio s’est artificialisé lors du COVID» souligne Simon Groot Koerkamp, co-président d’UNEBIO (Union des éleveurs bio), rappelant que les coûts de production du porc en bio sont très importants. «Il y a eu un engagement et une surproduction au détriment des éleveurs déjà présents sur le marché» poursuit-il.
Manuel Rousselot a dû changer son fusil d’épaule en développant son troupeau de vaches allaitantes, augmentant son cheptel de 40 à 55 bovins de races Limousine et Aubrac ainsi que quelques croisés. Une décision en adéquation avec la demande des consommateurs, mais qui prend du temps. «Il faut quasiment quatre ans pour arriver à augmenter le troupeau» rappelle-t-il.
Son système est 100 % bio et autonome. Les vêlages ont lieu du 15 novembre jusqu’à mai. Les broutards mâles sont vendus en maigre. Les femelles sont gardées en partie pour le renouvellement. «L’animal est soit sélectionné pour la reproduction, soit pour la boucherie» explique l’éleveur.

Complémentarité des circuits de vente

Une partie de sa production part en vente directe, grâce à une boucherie, ouverte chaque semaine dans un village voisin, via quatre AMAP du secteur et sur les marchés des alentours. «La vente directe, c’est bien, mais c’est chronophage» explique le jeune agriculteur qui valorise également ses veaux grâce à UNEBIO.
«Le groupe s’occupe de l’achat, la découpe et la commercialisation dans de grandes et moyennes surfaces, en Restauration hors domicile (RHD) ou bien directement auprès des restaurateurs et des particuliers» ajoute Thierry Teinturier, responsable de secteur chez UNEBIO.
Pour le veau, la demande est toujours présente. «Il y a des débouchés en face. Nous fonctionnons à flux tendu sur ce marché» poursuit le technicien. Que ce soit pour des animaux typés, plutôt orientés pour la boucherie ou des veaux de découpe qui partiront plus facilement dans les cantines. «Le veau passe bien en ‘’prix-repas’’ sur la RHD» se satisfait-il même si il y a encore beaucoup de gestionnaires «à aller chercher pour qu’ils changent leurs habitudes d’achats et de consommation».

Faire changer les mentalités

Pourtant, Thierry Teinturier l’admet : «la consommation de viande diminue, et de viande bio particulièrement» se désole-t-il.
«L’alimentation saine n’est pas la priorité des consommateurs» appuie sa collègue Florine Dennebouy. «Les gens sont habitués à un produit avec des colorants et des additifs» ajoute Manuel Rousselot qui profite de sa présence sur les marchés paysans pour sensibiliser les consommateurs à la couleur naturelle du jambon par exemple. «Ici, les animaux bénéficient d’une alimentation naturelle, la viande des veaux est donc légèrement rosée» souligne l’éleveur qui n’hésite pas à ouvrir sa ferme pour faire changer les mentalités des consommateurs.