Avec les aléas climatiques à répétition, des éleveurs laitiers remettent en cause l’ensilage de maïs plante entière. Dans ce contexte, les conseillers des Réseaux d’Élevage Inosys se sont intéressés à une exploitation laitière meusienne qui a remplacé le maïs ensilage par de la prairie temporaire et du maïs épis tout en gardant des performances par vache élevée.
Le GAEC Saint-Éloi est une exploitation familiale dirigée par Martin Gabriel et sa mère, épaulés par un salarié à temps plein et un apprenti depuis septembre dernier. Après un BTSA en productions animales, complété par une licence en expertise agro-environnementale et un voyage de neuf mois en Amérique, Martin s’installe en 2015. «Notre objectif, c’est d’être le plus autonome possible sur l’exploitation», explique Martin, en misant sur des pratiques agronomiques qui tirent parti des interactions bénéfiques entre les plantes pour améliorer la fertilité des sols, renforcer la résilience des cultures et optimiser la qualité des fourrages.
Dès 2013, l’exploitation pratique l’agriculture de conservation. En 2018, le GAEC franchit une étape supplémentaire avec l’introduction de la traite robotisée dans un nouveau bâtiment sur caillebotis.
Les prairies temporaires : la clef de voûte de ce système
L’assolement repose sur 242 hectares dont 37 sont consacrés au maïs épi, 23 ha à des prairies temporaires riches en légumineuses, et 27 à des prairies naturelles. Les rotations longues incluent le pois de printemps, le tournesol, le soja et des méteils, renforçant la structure des sols et limitant les risques d’adventices.
Les prairies temporaires, exploitées sur une durée de 3 à 5 ans, reçoivent 160 unités d’azote par hectare pour garantir des rendements élevés et une qualité nutritionnelle optimale. Quatre coupes sont réalisées, trois en ensilage avec utilisation systématique de conservateurs pour préserver la valeur alimentaire et assurer la conservation du silo. La quatrième coupe est réalisée en enrubannage, et la dernière coupe d’automne est broyée pour être restituée à la prairie. Cela permet de nourrir la prairie avec de la matière organique fraîche, et de nettoyer la parcelle avant l’hiver. L’exploitation a pour objectif d’avoir une réserve de stocks fourragers de six mois.
«La saison de récolte d’herbe est une forte charge mentale, je suis content quand elle se termine», confie Martin. Avec des coupes rapprochées et des volumes importants à gérer, la gestion des récoltes impose une organisation rigoureuse et une anticipation précise. Martin planifie minutieusement les interventions et surveille de près les conditions climatiques pour éviter les pertes de qualité. L’utilisation de conservateurs permet également de sécuriser la valeur nutritive des fourrages. Dans un système avec un troupeau à forte production, cette stratégie est essentielle pour limiter les fluctuations alimentaires et garantir des performances laitières élevées.
37 litres/vache/jour avec 200 g de concentrés/litre
Le troupeau de soixante-dix vaches laitières Prim’Holstein est logé dans le bâtiment de 2018. Les vaches ne sortent pas au pâturage et reçoivent une ration entièrement distribuée à l’auge.
Chaque vache produit en moyenne 11.900 litres de lait par an, avec une consommation moyenne de concentrés de 191 g/l de lait produit. À ce niveau de production, il est souvent observé un niveau de concentré supérieur à 280 g/litres.
La ration se compose de 10 kg de matière sèche (MS) de maïs épi, 7 kg de Ms d’ensilage d’herbe, 2 kg de Ms d’enrubannés et en moyenne 6 kg de concentré (4,5 kg de correcteur azoté et 1,5 kg de concentré énergétique). L’utilisation du maïs épi, riche en énergie et hautement digestible, garantit une valeur alimentaire stable tout au long de l’année. De plus, les cannes laissées sur le sol après récolte participent à l’amélioration de la fertilité et de la structure des sols.
Performer techniquement pour se rémunérer
L’exploitation a fait le choix stratégique de produire et toaster son propre soja, renforçant ainsi son autonomie alimentaire et réduisant sa dépendance aux intrants extérieurs «le toastage du soja n’a pas apporté une meilleure production laitière, mais permet une meilleure conservation et stabilité de l’aliment». Le soja est intégré dans les rotations des cultures, où il est un atout agronomique.
Les résultats économiques du GAEC Saint-Éloi reflètent une cohérence avec ses données techniques, notamment des charges opérationnelles maîtrisées, représentant 33 % du produit brut, en dessous des 35 % observés pour le groupe de référence Inosys. L’EBE dégagé sur l’exploitation permet de couvrir les annuités à hauteur de 27 %, de rémunérer les associés et de réinvestir dans la prochaine campagne.
Réfléchir avant de reproduire
Le GAEC Saint-Éloi incarne une agriculture alliant triple performance : économique, sociale et environnementale. Ce modèle repose sur une gestion minutieuse des prairies temporaires, qui assurent une autonomie alimentaire et des performances élevées. Cependant, il montre aussi ses limites : un tel système ne serait pas reproductible partout, notamment dans des zones où seules des prairies permanentes, souvent moins riches, sont disponibles. D’autre part si les rendements en maïs ensilage plante entière sont moins bons, ceux du maïs épis le seront aussi. En revanche la qualité de ce dernier devrait être préservée.
Pour l’équipe Inosys
Réseaux d’élevage
Rémi GEORGEL – CDA 88
Lisa MILAN BALIZEAUX – CDA 55
Jean-Marc ZSITKO – CDA 54
Anais KAUMANNS – CDA 57
Mathilde JOUFFROY – IDÉLE