Mercredi 9 avril, à Romagne-sous-Montfaucon, Jean-Guillaume Hannequin, président de la FDSEA de la Meuse, et Thierry Huet, président de la FDSEA des Ardennes, ont convié les éleveurs meusiens et ardennais pour une réunion d’information dédiée à la présence du loup dans la région. Un sujet au cœur des préoccupations, qui met en lumière l’urgence de la situation, alors que les attaques se multiplient et que les réponses tardent à venir.
«Si nous avons tenu à organiser cette réunion, c’est parce que la question du loup est devenue un sujet important», a introduit Jean-Guillaume Hannequin, président de la FDSEA de la Meuse, en préambule de la réunion d’information organisée mercredi 9 avril, à Romagne-sous-Montfaucon. Il a tenu à alerter la trentaine de participants sur l’évolution de la situation : «le loup prend de plus en plus d’ampleur. Les attaques se multiplient, aussi bien dans les Ardennes que dans la Meuse».
À l’initiative de Thierry Huet, président de la FDSEA des Ardennes, et à la suite d’une nouvelle attaque survenue à Aincreville, sur l’exploitation de Judikaël Hannequin où six moutons ont été tués et treize grièvement blessés, les représentants syndicaux ont rassemblé les éleveurs meusiens et ardennais pour faire front commun et mettre en place des solutions adaptées.
Des chiffres alarmants
Face à la recrudescence d’attaques dans les Ardennes, la FDSEA 08, en partenariat avec la FEMA (section ovine des Ardennes) et la Chambre d’agriculture des Ardennes a lancé une série d’analyse génétique visant à identifier l’origine des attaques sur les troupeaux. Avec quatre attaques recensées le 21 août (date de la première attaque) sur la commune de Briquenay et le 10 septembre à Briquenay et Champigneulles, «les résultats ont révélé la présence d’un loup de souche italiano-alpine» a précisé la FDSEA des Ardennes. Depuis fin août, le département recense vingt-quatre attaques.
«Le préfet des Ardennes a pris un arrêté autorisant des tirs de défense à deux reprises», a confirmé Thierry Huet. Face à un loup jugé «déviant» selon Gilles Frene, un premier arrêté début septembre, avait permis à un éleveur de Briquenay, -déjà victime d’une dizaine d’attaques-, d’organiser des tirs de défense simple. Fin novembre, le préfet Alain Bucquet avait élargi le dispositif aux communes de Saint-Juvin et Thenorgues.
Déterminée à obtenir des moyens concrets pour protéger ses éleveurs, la FDSEA 08 affirme avoir «mis la pression» sur les autorités, obtenant ainsi l’acquisition, par la Direction départementale des territoires (DDT) des Ardennes et la Fédération de chasse, de «cinq à six lunettes équipées d’une vision nocturne». Un matériel stratégique, destiné à renforcer l’efficacité des dispositifs de surveillance et des tirs de défense face à la menace du loup.
En Meuse, Isabelle Hofbauer, éleveuse d’ovins a dressé le bilan alarmant des deux dernières années. L’agricultrice déplore la perte de près de soixante brebis, et d’une trentaine gravement blessées. Les attaques ont touché une dizaine de communes, dont Montiers-sur-Saulx, Montmédy, Gondrecourt, Ligny-en-Barrois, Commercy, Vavincourt, Pierrefitte-sur-Aire, Vigneulles-lès-Hattonchâtel, Fresnes-en-Woëvre et Dun-sur-Meuse.
«Sur le canton de Montiers-sur-Saulx, le loup vient de la Haute-Marne, il est borgne et donc facile à reconnaître. Dans le Barrois, le loup est reconnu, mais dans le Nord, ils ne veulent pas le reconnaître puisqu’il n’y a pas encore assez d’analyses qui sont revenues» a-t-elle précisé. «C’est la première fois que dans notre département, on a une zone où on constate que le loup s’est installé. Ce n’est jamais arrivé dans notre département !» a complété Jean-Guillaume Hannequin.
Prélever le loup
Le président de la FDSEA 55 a exprimé son rejet catégorique de la présence du loup dans le département : «il n’y a pas de place pour le loup dans notre département de polyculture-élevage». Pour lui, «le loup n’est qu’un handicap supplémentaire parmi tant d’autres pour l’élevage». Et d’ajouter : «nous, agriculteurs, sommes une activité économique essentielle pour notre territoire. La cohabitation avec le loup est impossible. C’est ce que nous défendons, c’est le message porté par la Fdsea : la seule solution, c’est le prélèvement du loup».
«Il est impératif de faire un point sur la situation dans les différents départements et de rassembler les données pour obtenir des résultats clairs», a souligné Thierry Huet. «Nous, agriculteurs, devons pouvoir échanger pour définir ensemble une procédure d’identification, collecter l’information et la maîtriser». Il ajoute : «cela passe par une transparence totale de l’OFB, qui doit fournir les analyses génétiques et intervenir sur le terrain pour les réaliser».
D’une voix commune, la FDSEA 08 et la FDSEA 55 appellent à une accélération des démarches concernant le code génétique de l’animal. «L’objectif est celui-là : d’abord se parler, puis arriver à trouver des solutions pour la protégabilité. enfin derrière, trouver des moyens de se défendre» a conclu le président de la FDSEA des Ardennes.
Une procédure lourde
Gilles Frene, responsable des partenariats et de la transversalité à la Chambre d’agriculture de la Meuse, est intervenu pour aborder la question de la procédure.
Il a d’abord détaillé les différentes zones d’attaque recensées dans le département. «En Meuse, on identifie au moins quatre zones d’attaque de loups a priori différents : celui du sud, celui-là*, celui en centre Meuse et qui attaque régulièrement les secteurs de Commercy, Saint-Mihiel… et celui ou ceux qui viennent déborder des Ardennes, du massif des Ardennes pour venir attaquer la Meuse» a-t-il précisé.
Ce dernier a néanmoins dénoncé la «lourdeur pas possible» de la procédure, liée au statut du loup en tant qu’espèce protégée. «Le loup est classé comme espèce protégée au niveau européen et mondial, même si les récentes modifications de la convention de Berne ont assoupli sa protection», a-t-il rappelé. Il a également souligné que cette protection implique un suivi strict : «le préfet et les pouvoirs publics sont tenus de respecter scrupuleusement les procédures en vigueur».
Pour faire face aux attaques, le responsable à la Chambre d’agriculture de la Meuse, recommande la réalisation d’une étude de vulnérabilité. Celle-ci doit démontrer que les moyens classiques de protection -comme les clôtures ou les chiens de troupeau- ne suffisent pas à enrayer les attaques. Dans ce cadre, des tirs d’effarouchement (tirs en l’air) peuvent être envisagés en premier recours, suivis, en cas de nouvelles attaques, de tirs de défense utilisant du plomb non létal.
Cette étude constitue une étape cruciale pour faire reconnaître un territoire comme «non protégeable». Une fois ce classement obtenu, «les tirs non létaux deviennent officiellement autorisés».
Gilles Frene alerte cependant sur la complexité et la longueur de la procédure : «une fois le dossier constitué, les délais peuvent s’étendre sur plusieurs mois». Il précise toutefois que «le préfet a la possibilité d’accélérer le processus».
Jean-Guillaume Hannequin a, en réponse, souligné les limites concrètes de la procédure actuelle : «dans cette procédure-là, avec des attaques identifiées par le loup, où l’on met en place des mesures de protégeabilité, c’est-à-dire des tirs d’effarouchement dans le département, personne ne peut poser ces clôtures !». Le préfet de la Meuse, Xavier Delarue, avait pourtant annoncé la mise à disposition de travailleurs sociaux pour installer les clôtures. «Ce n’est pas possible pour les éleveurs d’avoir une surcharge et un coût en plus. Le loup est déjà une surcharge en soi. Nous ne pouvons plus subir ça» s’est exprimée Isabelle Hofbauer.
En fin de réunion, Jean-Guillaume Hannequin et Thierry Huet ont réaffirmé leur détermination à «porter le flambeau» et à «ne rien lâcher». «Il va falloir se rassembler, travailler avec les administrations, les associations environnementales et les préfets, pour qu’ils prennent pleinement conscience de la colère des agriculteurs», ont-ils martelé. Le président de la Fdsea 08 a insisté sur l’importance de trouver un consensus : «un accord est indispensable». Il a également souligné qu’un travail sur la communication et une réflexion sur la structuration étaient essentiels pour avancer efficacement.
(*) Gilles Frene fait référence au loup ayant provoqué les dernières attaques.