Dix agriculteurs, venus de la Meuse, Meurthe-et-Moselle et de la Somme, ont choisi la noix pour diversifier leurs exploitations. Réunis sous la bannière du collectif «Les Copains à la noix», ils ont inauguré leur première chaîne de tri et de calibrage à Lisle-en-Barrois. Un pari collectif, né d’une crise et nourri de convictions.
Ils sont dix. Dix agriculteurs et agricultrices réunis sous le nom «Les Copains à la noix», avec une ambition commune : créer une véritable filière noix en Lorraine. Ces producteurs, venus de la Meuse, de la Meurthe-et-Moselle et de la Somme, ont inauguré, vendredi 17 octobre, leur ligne de transformation aux Merchines, à Lisle-en-Barrois. «On y travaille depuis deux ans, mais cela fait maintenant quelques années que nous avons planté les premiers vergers», explique Alexandre Lang, agriculteur sur l’exploitation. «L’installation n’est pas terminée, mais elle est opérationnelle, elle fonctionne» précise-t-il.
Du conventionnel au bio
«On a voulu mettre en place un système résilient», confie Maud Thiéry, installée à Manonville (54), à la suite d’une année 2016, marquée par des rendements céréaliers très faibles. «La noix est un bon système pour pérenniser nos exploitations».
Le collectif, auparavant en conventionnel, a dû repenser ses pratiques. «Avant de planter des noyers, nous étions en conventionnel», indique Jean Barbare, exploitant à Cartigny (80). Cette réorientation vise notamment à répondre à la forte demande en cerneaux bio et locaux. «On est en cohérence avec nos emplacements» ajoute Maud Thiéry, «notamment sur les zones de captage, avec 75 hectares».
La conversion au bio s’est accompagnée d’un enherbement complet des parcelles céréalières. «Nos vergers sont pensés pour durer 50 à 100 ans», précise Julien Guyot, de Neuville-en-Verdunois.
La plantation des noyers s’est effectuée par étapes, pour atteindre aujourd’hui un total de 400 hectares. La production a commencé cette année et devrait atteindre son pic d’ici 2032, avec un tonnage attendu entre 1.200 et 1.300 tonnes.
Allier économie et écologie
Au-delà de la diversification agricole, le projet s’inscrit dans une démarche à la fois écologique et économique. Les vergers implantés sur des zones de captage participent à l’amélioration de la qualité de l’eau et des sols, favorisant le retour de la biodiversité. Le choix de la noix permet aussi de consolider le modèle économique des exploitations. «En grandes cultures, on compte environ un emploi pour 300 hectares, alors qu’avec les noyers, on passe à un emploi pour 30 hectares» souligne Paul Matrot, agriculteur à Lisle-en-Barrois.
Les copains cherchent également à structurer une filière locale : «nous sommes en lien avec des artisans boulangers qui veulent vendre nos noix. Malheureusement, on n’a pas pu s’engager, car la récolte n’est pas suffisante» explique-t-il. Un choix assumé aussi pour des raisons de souveraineté alimentaire : produire en France, «chez nous», ce qui est encore trop souvent importé d’Ukraine, d’Europe de l’Est ou des États-Unis.
Un modèle à chaîne unique
«Quelques erreurs nous ont appris qu’il fallait nous former», confie Alexandre Lang. Après la première plantation en 2017, le collectif entreprend plusieurs voyages d’étude, notamment en Isère, dans des exploitations déjà bien établies. «C’est là que nous avons commencé à comprendre les enjeux et les contraintes», ajoute-t-il. «On a compris qu’il valait mieux planter à l’automne, des arbres de grande taille… Ce sont des choses basiques, mais il nous a fallu du temps pour les intégrer».
Une fois les premières plantations et formations réalisées, «on a commencé à penser au modèle d’après, c’est-à-dire à la chaîne de traitement des noix». Le tournant intervient en février 2023, lors d’un voyage en Californie. «Nous avions imaginé des chaînes indépendantes pour chaque exploitation. Là-bas, nous avons découvert des vergers de plusieurs milliers d’hectares, sur 500 à 600 km, qui fonctionnaient sur une chaîne unique. Nous avons compris qu’il fallait construire notre modèle de la même manière pour durer», raconte l’exploitant.
La même année, une crise de surproduction confirme la nécessité d’un modèle résilient. Pour le ramassage mécanisé, le collectif opte pour la Monchiero 20240, une récolteuse automotrice à grande trémie et vitesse de récolte élevée, idéale pour les très grands vergers et cultures intensives.
Fin 2023, il rencontre les principaux constructeurs pour définir la future ligne de transformation. La commande des équipements (matériel de lavage, séchoir, calibrage, cassage, triage et ensachage) est passée en 2025. «Toutes les noix seront désormais acheminées aux Merchines, où elles seront traitées, calibrées et prêtes pour la vente», précise Roman Chaudron, exploitant à Lisle-en-Barrois. «La logistique est collective : c’est ce qui nous permet d’être performants sur le long terme».
La réalisation de ce projet a été rendue possible grâce au soutien financier de la Région Grand Est, du GIP Objectif Meuse, de l’Agence Bio et des agences de l’eau Rhin-Meuse et Seine-Normandie.

