Moins de phytos, plus d’idées : mutation en marche

Depuis 2012, des systèmes de cultures avec réduction d’utilisation de produits phytosanitaires sont expérimentés de manière pluriannuelle à Haroué, par la Chambre d’agriculture Grand Est, en partenariat avec l’ALPA et Terres Inovia.

En 2024, la plateforme a évolué en tenant compte des enseignements acquis depuis plusieurs années. Désormais, un système en agriculture biologique de conservation et un système sans fongicides ni insecticides remplacent les trois précédents systèmes.

Un IFT maximum de 0,8

Le précédent dispositif comprenait deux systèmes avec – 50 % d’IFT (Indice de fréquence de traitements phytosanitaires) par rapport aux références régionales (Protection intégrée des cultures [PIC] et Agricultures de conservation sans glyphosate) et un système en zéro phyto avec engrais minéral. Des parcelles en zéro phyto avait également été mises en place chez des agriculteurs pour évaluer la transférabilité de ces pratiques dans les fermes. Le constat : des résultats globalement satisfaisants sur la plateforme pour les trois systèmes, mais un transfert difficile dans les fermes, avec fréquemment des arrêts des agriculteurs, souvent en raison d’une gestion difficiles des adventices. Les autres bioagresseurs ont eu un impact bien plus limité.
Partant du constat que la gestion des adventices a été le principal frein à la diffusion du zéro phyto en ferme, le nouveau système testé sur la plateforme d’Haroué est une alternative entre PIC et zéro phyto. Il vise désormais à atteindre un IFT maximum de 0,8, en se passant notamment de l’usage des insecticides et des fongicides. L’idée est de recourir, autant que possible, aux leviers alternatifs (dates de semis, associations, biocontrôles…). La rotation de six ans comprend désormais du blé, du pois, du colza, de l’orge de printemps et du tournesol. Le désherbage mécanique et le labour seront aussi des leviers mobilisés pour gérer les adventices. Par ailleurs, le système vise aussi à réduire l’utilisation d’engrais de synthèse de 50 % en ciblant les apports sur les cultures les plus exigeantes (céréales et colza), et en substituant une partie, par des apports organiques sous forme de digestat.
Pour évaluer la transférabilité de ces pratiques, un réseau d’une dizaine de fermes suivies par les Chambres départementales de la région se met en place, en parallèle, pour tester l’Ift maximum de un dans des conditions agriculteurs. Le projet s’intitule HerbiOne & NoPhy.

De l’AC sans glyphosate à l’ABC

Un système en agriculture biologique de conservation fait également son apparition sur la plateforme. L’objectif étant de se passer entièrement des produits phytosanitaires tout en essayant de réduire le travail du sol et en maximisant les couverts. Il prend la suite du système Agriculture de conservation sans glyphosate et – 50 % d’IFT, expérimenté dans le précédent dispositif. Malgré une gestion plus compliquée du vulpin, des résultats assez encourageants avaient été rendus possibles par l’utilisation d’un scalpeur pour travailler à moins de 5 cm de profondeur ; le semis direct ayant rarement été possible en l’absence de glyphosate.
Parmi les leviers envisagés sur le nouveau système, l’allongement de la rotation à huit ans avec l’insertion de prairies temporaires (trèfle sur deux ans), la maximisation de la couverture du sol (semis sous couverts), les cultures associées (association blé-féveroles), le travail du sol superficiel et sans retournement, ainsi que le recours au désherbage mécanique.

Des analyses multicritères

Comme sur les précédentes expérimentations, ces systèmes feront l’objet d’analyses technico-économiques, de suivis agronomiques, d’évaluation de l’impact sur la qualité de l’eau et des sols. Les premiers résultats sont attendus pour cet été, mais l’objectif de la plateforme est d’expérimenter ces pratiques dans la durée. Le dispositif est donc en place pour une durée d’au moins six à huit ans de façon à pouvoir tester les pratiques sur une rotation complète.

Clément MUNIER
CRAGE