Au Service de remplacement Grand Est, la hausse du motif «répit» inquiète

L’assemblée générale du Service de remplacement Grand Est s’est tenue le 16 juin, à Laxou, sous la conduite de Christophe Haas. Elle a révélé une animation toujours aussi intense et dynamique, avec entre autres, l’organisation du congrès national à Bischoffsheim. Le motif de remplacement «répit» ne cesse d’augmenter depuis trois ans, une préoccupation.

Près de 26.000 jours de remplacement ont été effectués en Grand Est, en 2024, par 918 agent(e)s de remplacement. Ce qui représente 1.281 utilisateurs bénéficiant de ce service, dont 240 femmes.

Un réseau dynamique

Le président du service sur la région (SRGE), Christophe Haas, s’est arrêté sur la baisse d’activité constatée en 2024 dans certains départements. «Le bilan est contrasté». Il s’est interrogé sur les raisons. «La conjoncture des exploitations, le moral des agriculteurs et agricultrices, le manque de visibilité vers l’avenir ont pu conduire nos adhérent(e)s à moins partir en congés ou à ne pas profiter de journées de formation. Mais, dans tous les cas, l’évolution du nombre d’agent(e)s de remplacement démontre la pérennité de nos structures et la qualité de nos services».

L’enquête de satisfaction diffusée auprès des utilisateurs(trices) des SR en 2024 a révélé que 91 % d’entre eux sont satisfaits de l’ensemble des prestations assurées et 93 % apprécient la mission de remplacement. Depuis trois ans, SRGE organise le concours régional des agents de remplacement. Cette année, il a eu lieu au lycée agricole de Courcelles-Chaussy où les huit équipes de lycéens et d’agent(e)s de remplacement ont pu échanger sur le métier et participer à des épreuves les rapprochant des missions confiées aux salarié(e)s.

Par ailleurs, il participe au challenge interlycées de l’APAL, où plus de 150 élèves viennent faire connaissance avec différents partenaires, dont les Services de remplacement. Des outils de communication sont utilisés chaque année pour promouvoir les SR et le métier d’agent de remplacement. Pour exemple, la campagne d’affichage réalisée dans tous les établissements d’enseignement agricole du Grand Est.

Un motif qui évolue et inquiète

L’assemblée générale s’est poursuivie par une table ronde orientée sur le mal-être en agriculture. Claire Dormet et Lorraine Arnould, responsables des services Prévention du mal-être en agriculture, respectivement des MSA Marne-Ardennes-Meuse et Lorraine, sont venues témoigner de leur vécu. Des chiffres posent question : en 2022, 851 jours de remplacement ont été effectués pour le motif répit, 1.415 en 2023 et 1.671 en 2024. «Cette tendance est la même sur tout le territoire national avec quelques départements qui ont vu tripler leurs chiffres» a expliqué le président. «Attention, la situation de mal-être observée aujourd’hui n’a pas qu’une raison économique. Elle peut frapper tout le monde et avoir pour cause la charge mentale et le manque de considération de notre métier d’agriculteur».

Lorraine Arnould a rappelé la définition du mal-être : «une perte d’équilibre, un inconfort qui va être pluridimensionnel : il peut être physique, psychique ou les deux en même temps. Ce ne sont pas que des causes professionnelles, ce peut être une cause familiale. L’agribashing contribue également dans le fait de ne pas se sentir bien. Nous avons, dans la population agricole, un surrisque du passage à l’acte suicidaire de plus de 30 %».

Les causes sont souvent identiques partout. «Dans la Marne, ce n’est pas parce qu’il y a le champagne que tout va bien» a ajouté Claire Dormet. «Le mal-être existe bien dans notre département, mais plusieurs dossiers sont refusés du fait du quotient familial de l’exploitant(e) trop élevé» a précisé Perrine Raverdy, responsable du SR 51.

Les solutions pour traiter le mal-être

La MSA accompagne le mal-être depuis près de quinze ans. «En MAM, en 2023, nous étions à 35 dossiers traités pour épuisement professionnel. En 2024, 190 dossiers dont les trois quarts provenant des Ardennes ont été ouverts» a alerté Claire Dormet. «Dans les Vosges, en Moselle et en Meurthe-et-Moselle, nous sommes sur une moyenne de 43 dossiers en 2023 et 2024» a précisé Lorraine Arnould. L’aide au répit couvre plusieurs actions mises en place sur le terrain par la MSA. Elle s’est enrichie pour que la famille puisse prendre des temps de repos. «Il y a également une aide au répit administratif qui a été créée, à la suite d’une alerte formulée par les syndicats concernant l’accumulation des tâches administratives». Des prestataires se rendent au domicile des exploitant(e)s pour leur permettre de sortir la tête de l’eau et de se projeter à nouveau. À la suite d’une expérience dans la Meuse, la Caisse centrale s’est saisie de cette nouvelle offre qui est proposée dans toutes les MSA. «Sans condition de ressources, à jour ou pas des cotisations MSA» a complété Claire Dormet, initiatrice de cette action.

D’autres dispositifs sont accessibles via la MSA, tels Agri’Ecoute (tél. 09 69 39 29 19 ; site : agriecoute.fr : 24h/24h et 7j /7j), les actions collectives (groupes de parole), les offres santé sécurité au travail (Mieux être au travail) pour financer le diagnostic d’une exploitation (financement matériel, conseil…), les rencontres avec les professionnels de santé, la prise en charge de séances psy…

126 signalements ont été réalisés en 2024 en Lorraine et 119 en Marne-Ardennes-Meuse. Les responsables de la MSA ont rappelé les formations Sentinelles qui permettent de détecter, signaler et orienter des cas de souffrance. Et d’ajouter : «attention aux enfants qui se trouvent dans ces atmosphères tendues. De fait, nous souhaiterions la création d’une enveloppe qui permettrait à ces jeunes de bénéficier de colonies de vacances avec une prise en charge. Nous aimerions également entrer dans les établissements scolaires pour faire de la prévention et permettre une acculturation de la santé mentale. Et enfin, nous demandons aux Services de remplacement de détecter et de signaler les mal-être avant même la mise en place d’un remplacement répit».

Christophe Haas a conclu en souhaitant réaffirmer le rôle des SR auprès des exploitant(e)s dans la prévention des risques, grâce à leur participation active aux travaux menés.

Céline BARTHELEMY – SRGE